Amélie en terre inconnue
Amélie Nothomb rencontrera ses lecteurs cet après-midi à la médiathèque.
Une première en milieu rural pour cet auteur singulier qui entretient
un « rapport intense » avec ceux qui la lisent.
Amélie Nothomb : « Je me suis fait une idée des Landes à travers les écrits de François Mauriac ». photo sarah moon
Clin d'œil du destin ou simple coïncidence, même son nom a
phonétiquement rapport avec l'écriture. Depuis 1992 et la publication
d'« Hygiène de l'assassin », Amélie Nothomb s'est taillé une place
singulière dans le paysage littéraire français. Conséquence : tel le bon
vin, son cru annuel est jugé par les spécialistes, convaincus ou pas
par le talent de celle qui se définit comme une « graphomane malade de
l'écriture ». Les lecteurs, eux, la plébiscitent. Dans « Une forme de
vie », son 19e roman, l'auteur belge évoque le rapport épistolaire
régulier qu'elle entretient avec ceux qui dévorent ses lignes. Des
lecteurs qu'elle se fait une joie de rencontrer en chair et en os cet
après-midi à Morcenx.
« Sud Ouest ». Connaissez-vous le département des Landes ? Amélie
Nothomb. Absolument pas. Je me suis toujours arrêtée à Bordeaux. Mon
idée des Landes provient des écrits de François Mauriac, un auteur que
je vénère. J'imagine des paysages mystérieux, des êtres humains
torturés…
Pourquoi avoir accepté cette rencontre en milieu rural ? Ça
me change ! D'habitude, j'accepte toujours les rencontres dans les
grandes villes. Morcenx sera une première en milieu rural. Mais j'aime
la nouveauté.
Quel genre de rapport entretenez-vous avec vos lecteurs ? Un
rapport intense. Ils sont nombreux à m'écrire des lettres. Car pour
communiquer avec moi, il est nécessaire de passer par le bon vieux
papier et la bonne vieille encre. Je réponds chaque fois que je suis
émue, bouleversée ou intéressée… ce qui arrive quatre fois sur cinq. Ça
prend du temps et de l'énergie.
Vous arrive-t-il de rencontrer ceux qui vous écrivent ? Tout
à fait. Par exemple, je sais qu'aujourd'hui je vais rencontrer des
personnes avec lesquelles j'entretiens déjà une ébauche de
correspondance.
Est-ce que ces correspondants vous inspirent parfois ? Je
ne peux pas dire qu'ils ne sont inspirants mais je ne me donne pas le
droit d'être inspirée par eux. J'estime que notre relation appartient à
la sphère personnelle. La beauté de ces relations, c'est le secret. De
toute manière, je n'ai pas besoin de ce qu'ils me racontent pour être
inspirée.
Vous êtes un auteur prolifique qui rédige tout sur papier. Pourquoi ? J'écris
tous les jours de 4 heures à 8 heures du matin et toujours sur du
papier. C'est un choix. J'aime son contact, celui du stylo à bille. Le
rapport à l'écriture se révèle beaucoup plus physique ainsi. Le monde
d'Internet m'est étranger. J'ai essayé de travailler sur une machine à
écrire mais ça n'a pas marché.
N'avez-vous jamais expérimenté le syndrome de la page blanche ? Jamais.
J'en ai expérimenté beaucoup d'autres mais pas celui-là : le syndrome
de l'écrivain qui a peur de son éditeur, de l'auteur angoissé de
rencontrer ses lecteurs qui craint de ne pas être à la hauteur.
Qu'auriez-vous exercé comme métier si vous n'aviez pas été écrivain ? J'ai
essayé autre chose comme je l'ai raconté dans « Stupeur et tremblements
» (le roman évoque son immersion dans une entreprise japonaise, NDLR).
Fort heureusement, l'écriture a fonctionné. Parmi les métiers que
j'aurais aimé pratiquer, il y a celui de compositeur mais je n'en ai pas
le talent.