Chapeau vissé sur la tête, un sourire et un mot gentil à chaque main qu'elle serre, Amélie Nothomb est arrivée jeudi à 20 h 30 au Troquet. Le café sis boulevard de la Plage, transformé pour l'occasion en café littéraire, était plein à craquer.
Organisée par la Librairie générale, la rencontre avait fait l'objet d'invitations, et, dès l'annonce de la venue de l'auteur, les sésames s'étaient arrachés comme des petits pains. Après avoir fait salle comble en début d'après-midi au lycée Montaigne de Bordeaux (rencontre chapeautée par Véronique Muraour-Morel, la créatrice de La Plage aux écrivains) puis s'être pliée à une séance de dédicaces à la librairie Mollat, Amélie Nothomb a terminé sa journée marathon à Arcachon.
L'expérience américaine
Et c'est François Boyer, de la Librairie générale, qui a servi de maître de cérémonie. S'appuyant sur le dernier et vingtième ouvrage de l'auteur belge, intitulé « Tuer le père », il l'a questionnée sur son rapport aux États-Unis, pays où elle a situé son intrigue. Fille de diplomate, Amélie Nothomb a passé son enfance en Asie, expérience qu'elle a souvent évoquée dans ses ouvrages. « Je me sens asiatique. Dans les situations de conflit, je suis terrifiée. Je trouve gênante l'idée que l'on puisse entretenir une situation de dispute… »
Jeudi soir, elle a expliqué comment, dans sa jeunesse, les trois années passées à New York furent pour elle un traumatisme, prise en étau entre la Chine et le Bangladesh. « Mes retrouvailles, à 30 ans, avec ce pays furent glaciales », a-t-elle confessé avant d'évoquer le festival artistique Burning Man auquel elle a assisté en 2010 et qui lui a inspiré son roman. Et de confirmer que le dialogue qu'elle narre (« habile votre déguisement d'Amélie Nothomb ») a bel et bien eu lieu lorsqu'elle s'est retrouvée dans un club de magie aux États-Unis, la magie étant l'essence même de « Tuer le père ». « Mon ambition était d'écrire un livre où le lecteur ne voit rien car il y a un trucage. »
L'humour en distance
Questionnée sur l'humour qui transparaît de ses romans, Amélie Nothomb a expliqué qu'il traduisait « la distance indispensable qu'elle mettait en usant d'un ton flegmatique pour narrer des histoires assez atroces ». Jeudi soir, elle a suscité de nombreux éclats de rire dans la salle tant cet humour n'est pas la seule préséance de ses écrits. « Une Belge qui boit du champagne et un Français de la bière : c'est un paradoxe culturel », a-t-elle lancé lorsque deux verres furent posés sur la table. Oui, entre Amélie Nothomb et le champagne, c'est plus qu'une histoire de bulles.
Assumant sa préférence du dialogue à la narration, elle a expliqué que, pour qu'un échange soit bon, il fallait prévoir trois ou quatre répliques d'avance. « Je pense moi-même sous la forme d'un dialogue. » Et, à en juger par son sens de la repartie, elle a également en tête quelques longueurs d'avance. « Je l'ai vue échanger avec Jean d'Ormesson, c'était incroyable », lâchait plus tard une des représentantes d'Albin Michel, son éditeur.
L'intégration par ses livres
Toujours interrogée sur sa recette pour devenir écrivain (à succès), Amélie Nothomb a une fois de plus parlé de cheminement, ce qui l'a conduite à évoquer son anorexie. « Un désir de meurtre du corps pour n'être qu'un esprit », a confessé celle qui pesa 32 kg pour 1,70 m et qui aujourd'hui « habite (enfin) son corps ». « Mes livres ont réussi ce que je n'avais pas réussi à faire en tant qu'être humain : m'intégrer. »
D'autres confessions intimes furent livrées jeudi : pour calmer ses angoisses, Amélie Nothomb jongle ; elle détient aussi le record non homologué de descente du mont Fuji (cinquante minutes). Elle s'est étonné que son auditoire ne connaisse pas la BD « Sybilline ». Le livre qui lui a fait rater une station de métro ? « Le Tigre », de John Vaillant. Celui dont elle aimerait être le héros ? La Bible. Celui qui la réconcilie avec la vie ? « La Bonne Peinture », de Marcel Aimé. Son endroit préféré pour lire ? Dans son lit.
Source et photo :
http://www.sudouest.fr/2011/11/26/rencontre-en-tete-a-tete-avec-amelie-nothomb-563466-2733.php