La lettre a longtemps primé sur le roman, dans la vie d’Amélie Nothomb. Cette fois, les deux genres se rejoignent. Photo DR
Petit événement à Sarrebourg. Amélie Nothomb vient à la rencontre de
ses lecteurs, lundi à la salle des fêtes. La romancière est invitée par
l’écrivain Gaston-Paul Effa. Elle évoquera notamment son dernier livre.
Dans Une Forme de vie, Amélie
Nothomb revient sur ses thèmes de prédilections. Et les articule de
manière savoureuse autour d’une correspondance sur fond de guerre.
La boulimie, le corps, le rapport à l’autre sont abordés dans votre roman. Comment est née Une forme de vie ? Amélie NOTHOMB: « Ce livre m’a été inspiré par un article découvert
dans la presse aux États-Unis. Il parlait d’une épidémie d’obésité dans
l’armée américaine basée à Bagdad. Illustré par des graphiques,
l’article ne donnait aucune explication. J’ai décidé de consacrer un
livre à cette histoire. J’ai imaginé qu’un soldat obèse allait m’écrire.
Il y a tant de gens qui m’écrivent ! Mais j’étais la dernière à penser
que cela m’emmènerait si loin dans la correspondance. »
Saboter une guerre jugée inutile par la boulimie, c’est une idée originale. « Oui, c’est ce que j’ai inventé comme explication à ce phénomène. C’est un formidable acte de rébellion. »
Toute l’histoire repose sur une relation épistolaire, un exercice que vous maîtrisez... «
La correspondance a été longtemps plus importante que l’écriture
romanesque pour moi. Je suis épistolière depuis l’âge de 6 ans. Depuis
la sortie de mon dernier roman, c’est le comble, mon bureau est envahi
de courriers. »
Pensez-vous que ce genre de relation offre plus de sincérité ou au contraire ouvre la porte aux mensonges ? «
Je n’ai pas de réponse. Ou plutôt, il y a autant de réponses que
d’épistoliers. La lettre est un moyen privilégié de dire la vérité. Le
face-à-face est intimidant. J’ai longtemps cru que la correspondance
était une relation d’honnêteté. Mais à l’époque, je ne connaissais pas
les imposteurs épistolaires, comme Melvin Mapple ( le héros de son
dernier roman). »
Que pensez-vous des réseaux sociaux grâce auxquels se multiplient les échanges ? «
Je n’ai toujours pas d’ordinateur. Mais je serais stupide de juger.
Cependant, le peu que j’ai pu en voir n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai
pas de goût pour le breuvage internet. Mais je reconnais qu’il peut
être un salut, un moyen démocratique pour de nombreuses personnes. Moi,
je n’y trouve pas la qualité de communication contenue dans les lettres
que je reçois. »
Vous y viendrez peut-être. « On ne peut juger de rien, mais j’ai si peu de rapport avec le progrès. »
Vous répondez à l’invitation de Gaston-Paul Effa qui œuvre pour une association humanitaire au Cameroun «
Oui et j’ai hâte de rencontrer ce curieux phénomène. J’ai beaucoup de
contacts avec des écrivains africains, ils sont fascinants. Je suis
sensible à leur travail. » Dans les salons du livre, vous déplacez les foules. Comment le vivez-vous ?
«
Il peut y avoir une dimension effrayante. Mais il faut rester lucide
car c’est un cadeau.Tant d’auteurs souhaiteraient être à ma place. »
Vous faites même l’objet de thèses d’étudiants… « Que je lis à chaque fois. Mais que je ne comprends pas toutes. »