Littérature / « Une forme de vie » et « Des souris et des mômes »
Les sœurs de lettres Nothomb
Les sœurs Nothomb lors de leur dédicace à la libraire Decitre à Lyon / Photo Pierre Augros
Rencontre avec les deux sœurs lors d'une signature à Lyon de leurs derniers titres
Juliette, tous les clins d'œil sur la cuisine dans votre livre suggèrent que vous n'avez pas oublié votre passion première ? Juliette Nothomb : Non, c'est plus fort que moi ! D'ailleurs je suis chroniqueuse à l'hebdomadaire belge «Le Vif/L'Express». Dans ma rubrique, je présente un produit, une recette… J'ai donc toujours un pied dans la cuisine. Mais écrire est aussi un plaisir.
Amélie, qu'avez-vous pensé de ce roman ? Amélie Nothomb : Je l'ai adoré, mais j'ai été stupéfaite parce que je n'étais au courant de rien ! J'aurais pourtant dû m'en douter car j'ai toujours vu Juliette aimer raconter des histoires pour enfants.
Dans le vôtre, vous mettez en évidence les abus de certains de vos correspondants. Cela a-t-il réduit le nombre des lettres que vous recevez ? A.N. : C'est là que l'on peut voir ma troublante naïveté : j'imaginais que je recevrais moins de courrier. C'est exactement le contraire qui s'est produit ! J'en reçois quatre fois plus qu'aux rentrées littéraires précédentes. Je ne sais pas comment je vais tenir le coup. Dans leur immense majorité ces lettres sont formidables, c'est donc une très belle aventure, mais il faut voir le temps, et surtout l'énergie, que j'y consacre…
Certains ont cru y lire un message codé à leur attention. A.N. : Oui, et c'est ce qui est un peu triste, car ils n'ont pas raison. Les lecteurs avec lesquels j'ai des correspondances merveilleuses - la majorité - savent, par instinct, comment agir. Ils ne me livrent que des confidences humaines, ni intrusives ni excessives. Les quelques messages divulgués dans le livre s'adressent plutôt à ceux qui commettent des erreurs, mais ils n'ont pas saisi le message.
Imagineriez-vous ne plus leur répondre ? A.N. : Pour beaucoup, ne pas répondre serait émotionnellement impossible. D'autant plus que des liens se nouent. J'entretiens avec de nombreuses personnes, à Lyon, des correspondances superbes auxquelles je tiens comme à la prunelle de mes yeux. Mais viendra un moment où je ne le pourrai plus. J'ai déjà peur.
Ces lettres sont-elles une source d'inspiration ? A.N. : Non, jamais je ne m'autoriserai à prendre la moindre idée de ce qui m'est confié. C'est trop précieux, parce que c'est secret. Mais il est une évidence qu'elles m'enrichissent affectivement, et j'imagine que je transforme cette affection en énergie, et que cela m'aide dans mon écriture.
Juliette, recevez-vous aussi beaucoup de lettres ? J.N. : Par chance, beaucoup moins que ma sœur ! Mais elles sont toutes absolument charmantes, cela fait très plaisir de voir que ce que l'on a écrit est reçu comme on aimerait qu'il le soit.
Amélie, certains lecteurs disent que vous les avez aidés dans un moment difficile. Ressentez-vous une certaine responsabilité à leur égard ? A.N. : C'est à la fois très émouvant de savoir qu'on a pu aider quelqu'un, et anxiogène. Forcément, je ressens une responsabilité, qui peut aller jusqu'à une forme de culpabilité, même si elle est infondée. Aucun rapport humain n'est simple. Ce n'est pas pour cela qu'il faut renoncer à avoir des relations humaines, le but de la vie, c'est l'autre.
Une forme de similitude Si les sœurs Nothomb se ressemblent un peu par la voix, la manière de s'exprimer, et la modestie, à première vue leurs livres n'ont rien en commun. Dans « Une forme de vie »(1) Amélie imagine un échange épistolaire avec un soldat américain en Irak, souffrant du « mal le plus courant » parmi les troupes : l'obésité. Au travers cet échange, elle lève le voile sur l'étonnante, bouleversante, parfois oppressante, relation épistolaire qu'elle entretient avec ses lecteurs. Un beau roman, tendre et douloureux, sur la relation à l'autre, le mensonge, et le pouvoir de l'imaginaire. Tel est le premier point commun avec celui de Juliette, qui, après un livre de recettes, publie un roman jeunesse, « Des souris et des mômes »(1. Une savoureuse histoire mettant en scène des personnages d'horizons divers, qui se retrouvent embarqués dans une enquête chargée de suspense. Au fil des pages apparaissent les autres points d'attache avec les romans d'Amélie : l'élégance de style, la finesse des traits d'humour et d'esprit, et le regard porté sur le monde.
Source : http://www.leprogres.fr/fr/permalien/article/4193979/Les-soeurs-de-lettres-Nothomb.html